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Étude de cas : Les lois encadrant les chiens dangereux devraient-elles être plus sévères?

Énoncé de discussion

Les lois encadrant les chiens dangereux devraient être plus sévères.

Cet exercice a été mis à jour le 27/05/2025.

Contexte 

En avril 2025, la communauté de Pont-Rouge, près de Québec, fait entendre son mécontentement sur les réseaux sociaux après qu’une femme âgée d’une soixantaine d’années a été attaquée par cinq chiens. L’indignation est à son comble alors que le propriétaire des animaux avait fait l’objet de 22 visites au cours des 18 mois précédant l’incident, à la suite de nombreuses plaintes concernant ses chiens. La population pont-rougeoise reproche à la municipalité de ne pas avoir tout fait en son pouvoir pour prévenir un tel accident, malgré des signes alarmants et des signalements répétés. 

Malheureusement, ce drame est loin d’être isolé. En février 2025, un nouveau-né d’à peine 14 jours décède après avoir été attaqué par un chien, à Entwistle, en Alberta. En 2024, un chien s’en prend à un garçon, dans un parc de Toronto. L’enfant en gardera des séquelles permanentes et, selon les autorités, le chien, qui n’était pas tenu en laisse lors de l’agression, était connu pour son comportement agressif. D’ailleurs, sa propriétaire avait déjà reçu une ordonnance stipulant que ce chien devait être muselé dans les lieux publics. La même année, en Alberta, un enfant âgé de 11 ans meurt de ses blessures après avoir été attaqué par deux chiens dans une résidence où il était en visite. En 2023, un Ontarien de douze ans subit d’importantes interventions chirurgicales après avoir été attaqué par un chien alors qu’il était chez un ami. En 2022, un homme est attaqué par deux chiens en liberté dans son quartier, également en Alberta. Hélas, la liste d’incidents est encore bien longue. 

Au Canada, la réglementation sur les chiens dangereux varie selon les municipalités et les provinces et territoires, car il n’existe pas de loi fédérale uniforme à ce sujet. Certaines villes, comme Toronto ou Winnipeg, interdisent certaines races de chiens. Il y a quelques années, Montréal a instauré un tel règlement, mais l’a révoqué après quelques mois, considérant que le règlement était inefficace, coûteux et injuste. Depuis juin 2024, Toronto tient également un registre public des chiens dangereux, accessible en ligne, permettant à la population de connaître les animaux déjà identifiés comme présentant un risque. Depuis, d’autres villes canadiennes lui ont emboîté le pas. 

Pourtant, les événements tragiques cités plus haut ont tous un point en commun : de nombreux signalements avaient été faits avant que les drames ne se produisent. C’est alors à se demander si la réglementation sur les chiens est assez stricte. 

D’un côté, certaines personnes estiment que les règles encadrant les chiens dangereux devraient être plus sévères afin d’assurer la sécurité de la population, de forcer les propriétaires à prendre conscience de leurs responsabilités et de prévenir les récidives. De l’autre côté, certaines personnes croient qu’au contraire, resserrer les règles constituerait une punition injuste, engendrerait des coûts et une lourdeur administrative et se montrerait inefficace. 

Pour en savoir plus 

 

Le savais-tu?

Rencontré en 2024 au sujet d’un accident impliquant un pitbull et un enfant grièvement blessé, Philippe Labonté, directeur général de la Société protectrice des animaux de Drummond, au Québec, indique que 95 % des cas de morsures graves arrivent lorsque l’animal est en liberté. 

Le pitbull n’est pas une race de chien. C’est un terme qu’on utilise à tort pour désigner en fait trois races de chiens de lignées différentes : le pitbull terrier américain, le terrier américain du Staffordshire et le bull-terrier du Staffordshire. Ces trois races de chien sont différentes physiquement, mais ont en commun leur mâchoire carrée, leur musculature sculptée et leur poil court. Toutefois, une dizaine d’autres races appartenant à la catégorie des molosses ont aussi des caractéristiques semblables. 

Les tests d’ADN pour identifier la race d’un chien sont plutôt rares. Lors d’agression, ce sont généralement le personnel policier ou les témoins qui identifient visuellement la race des chiens impliqués. 

Informe-toi sur les règles et exceptions propres à ta municipalité en consultant son site internet.

 

Coup d’œil international 

En Espagne, la loi encadre la possession d’une dizaine de races, dont les pitbulls. Les personnes qui désirent adopter un chien d’une de ces races doivent répondre à de nombreux critères, dont ne pas détenir de casier judiciaire et obtenir un certificat psychologique attestant qu’elles sont aptes à s’occuper d’un chien, en plus de museler leur animal en public.

En accord 

Voici quelques-unes des raisons pour lesquelles certaines personnes pourraient être d’avis que les règles encadrant les chiens dangereux devraient être plus sévères.

Une meilleure protection de la population

Des règles plus strictes, comme l’obligation de porter la muselière pour les chiens déclarés dangereux, la création d’un répertoire en ligne des chiens agressifs ou la mise en place d’une signalisation visible au domicile des propriétaires contribueraient à informer, alerter et protéger la population. Par ailleurs, un meilleur encadrement de l’élevage et de la reproduction canine permettrait de prévenir la transmission de traits comportementaux problématiques. En limitant la reproduction de chiens instables ou agressifs, on agirait à la source pour diminuer le nombre d’animaux potentiellement dangereux et ainsi bâtir un environnement plus sûr pour tous. Ces règlements permettraient à la fois de diminuer le risque de morsures, mais aussi d’en réduire la gravité.

Une responsabilisation des propriétaires

La mise en place de règles exigeantes, comme des permis, des frais supplémentaires ou des formations obligatoires, aurait un effet dissuasif sur les individus irresponsables ou qui adoptent un animal sans connaître son pedigree ou sa race. Ces mesures inciteraient les propriétaires à bien s’informer sur la race, le comportement et les besoins spécifiques de l’animal avant l’adoption, plutôt de le choisir par simple attrait esthétique. Ceux-ci pourraient renoncer à adopter un chien à fort tempérament s’ils ne sont pas prêts à respecter un cadre rigoureux. Ainsi, la possession d’un chien potentiellement dangereux ne serait plus banalisée, mais réservée à des propriétaires compétents et engagés. 

Une prévention des récidives

Trop souvent, les réactions des autorités ne viennent qu’après une attaque, malgré les plaintes et les signaux d’alarme (chien en liberté, morsures mineures, intimidation d’autres animaux ou humains). Des règles plus strictes offriraient aux autorités les outils nécessaires pour intervenir dès les premiers signes de comportement agressif, sans attendre un incident grave. Si des évaluations comportementales étaient obligatoires dès qu’un signalement est fait, les autorités pourraient identifier les chiens à risque et déterminer les mesures correctives à appliquer. Un système de sanctions graduelles, comprenant des avertissements, des restrictions de déplacement, des cours de rééducation canine ou, en dernier recours, le retrait de l’animal, offrirait un cadre clair et dissuasif. Les risques de récidive seraient limités et on éviterait que des situations dangereuses ne dégénèrent. Une telle approche permettrait d’agir en amont, de façon ciblée et préventive. 

Pour en savoir plus

En désaccord

Voici quelques-unes des raisons pour lesquelles certaines personnes pourraient être d’avis que les règles encadrant les chiens dangereux ne devraient pas être plus sévères.

Une punition injuste

L’agressivité d’un chien n’est pas une caractéristique propre à sa race. Elle dépend surtout de l’éducation reçue, de l’environnement dans lequel l’animal est élevé et de l’aptitude et du sens des responsabilités de son propriétaire. Pourtant, les règlements de bannissement ciblent la race plutôt que le comportement réel de l’animal. Punir tous les chiens d’une certaine race, peu importe leur comportement individuel, revient à faire une généralisation abusive et injustifiée. Au Royaume-Uni, en 2015, 91 chiens de type pitbull ont été abattus même s’ils étaient sains, uniquement car cette race est prohibée dans le pays. Par ailleurs, un chien peut être considéré comme appartenant à une race interdite s’il ressemble à cette race, même sans preuve génétique. Autrement dit, un animal calme, bien dressé et socialisé peut être banni ou euthanasié simplement à cause de son apparence. Des règles trop sévères et non fondées punissent injustement les bons propriétaires et les bons chiens à cause du comportement négligent d’individus irresponsables. 

Des coûts et une lourdeur administrative

Renforcer les règles implique une gestion municipale plus complexe et coûteuse. Les nombreuses tâches qui accompagnent un système plus strict, comme les évaluations comportementales et les inspections, la gestion des registres et les suivis réguliers, les enquêtes sur les signalements et la gestion des contestations, alourdissent considérablement la charge administrative des municipalités. Ces mesures requièrent également la formation de personnes spécialisées, l’embauche de personnel supplémentaire et l’acquisition d’équipement technique adapté. Si les grandes villes comme Toronto disposent des ressources nécessaires pour implanter un tel système, les plus petites municipalités, quant à elles, risquent de faire face à des défis logistiques, administratifs et budgétaires importants, compromettant ainsi l’efficacité des règlements.

Des bannissements inefficaces

Des études, dont cette étude canadienne (en anglais), ont montré que les villes qui ont banni les chiens de type pitbull ou d’autres races considérées comme dangereuses n’ont pas nécessairement enregistré une diminution du nombre de morsures. Dans plusieurs cas, d’autres races étaient déjà responsables d’un plus grand nombre d’incidents. En stigmatisant ou interdisant une race en particulier, on risque de laisser au public un faux sentiment de sécurité. La population pourrait croire, à tort, que les autres races de chiens ne représentent aucun danger. À l’inverse, des campagnes de sensibilisation, de formation et de socialisation canine ont prouvé leur efficacité pour réduire les morsures, sans recourir à des mesures extrêmes ou discriminatoires. Une approche globale, centrée sur la prévention et l’éducation, est donc bien plus pertinente que des interdictions basées uniquement sur la race.

Pour en savoir plus

 

Le savais-tu?

Au Canada, une étude (en anglais) a démontré que les chiens nordiques, comme les huskys et les malamutes, seraient responsables d’un plus grand nombre d’attaques graves que les pitbulls.

 

Coup d’œil international 

En 1991, le Royaume-Uni adopte une loi interdisant certaines races de chien sur son territoire, dont les pitbulls, les tosas inus, les dogues argentins et les filas brasileiros. Toutefois, cette nouvelle législation s’est avérée quelque peu inefficace, car une étude (en anglais) a démontré qu’avant l’entrée en vigueur de la loi, les bergers allemands étaient responsables de 24 % des morsures, loin devant les pitbulls et autres races visées par l’interdiction.